Les scientifiques chinois sont-ils réduits à la misère ? (1/2)
En 2009,
la Chine comptait d’après les statistiques officielles chinoises plus de 51
millions de personnes travaillant dans tout ce qui touche aux technologies
(enfin bon, comme toujours avec les statistiques chinoises…), plaçant la Chine
au premier des nations dans ce secteur-là.
Le monde
de la recherche en Chine s’est fortement développé depuis la fin des années
1970 (il pouvait difficilement en être autrement après la période maoïste !).
Le nombre de publications a explosé, sans que la qualité des travaux ait
accompagné ce développement (pour une approche plus détaillée, nous vous
recommandons la lecture d’un livre déjà indiqué précédemment dans un de nos
textes [1]). Les budgets en recherches et développement ont également bondi
depuis 30 ans atteignant aujourd’hui 457 milliards de yuan (environ 52,2
milliards d’euros), soit 40 fois plus qu’en 1978.
Difficultés
diverses de ces scientifiques chinois :
Temps de recherche
effective :
L’une des premières difficultés pour un chercheur chinois
est de trouver du temps pour se consacrer à ses recherches : moins d’1/3
de leur temps de travail global sont consacrés à la recherche proprement
dite ! Le témoignage du chercheur Wu Yu est pour cela éloquent :
我是2005年从美国回来的,感觉一天都没有停下来过。周末、节假日、休假,对我来说没有多大实际意义。不光我这个课题组组长忙,组里的另外几位同事,也都和我差不多。
Je
suis revenu des États-Unis en 2005, j’ai l’impression que je ne me suis pas
arrêté un seul jour. Le week-end, les jours fériés, les vacances, pour moi,
cela n’a pas de grande signification. Et cela ne me concerne pas seulement en
tant responsable d’équipe, mes autres collègues sont presque comme moi.
Projets à
organiser :
Le budget des différents laboratoires dépend de leurs
projets de recherche, des projets qui s’étalent entre 3 et 5 ans. Pour monsieur
Wu, les démarches administratives prennent en générales 4 mois entre les
bureaux du budget, le département scientifique, le bureau des fonds
scientifiques… (notre modèle administratif est peut-être une imitation du
modèle chinois qui sait ; mais qu’on se rassure tout de même, en moins
bien développé !) ; de plus, chaque année, les chercheurs doivent
faire de nouvelles demandes de financement (même pour des projets à long terme
approuvés par toutes les autorités imaginables), car si une année un (ou
plusieurs projets) n’obtient pas les financements demandés, c’est le
laboratoire qui risque d’être supprimé ! En effet, les frais de personnel,
les frais d’eau et d’électricité du laboratoire, les équipements, etc. sont
payés grâce aux subventions qu’ils perçoivent pour leur projet de
recherches (on s’interroge tout haut : il doit y en avoir de la
« lèche » pour la pêche à ces subventions !!).
Rapports à rédiger
chaque année :
Une autre contrainte est l’obligation faite aux chercheurs (en tant cas pour les responsables de laboratoire) de rédiger à la fin de l’année. De même que les chercheurs doivent, à fortiori pour ceux qui ont acquis une certaine réputation, publiés régulièrement sous peine de voir leur budget diminué, car la compétition en Chine est extrêmement rude. C'est pourquoi les étudiants en master et en thèse doivent publier durant leur scolarité au moins 2 articles dans une revue scientifique. Cette course permanente entre la recherche de budget, les publications des uns et des autres dans des magazines ou des revues (au détriment de la qualité des textes, articles, mémoires…), l’avancée des projets scientifiques et l’encadrement des étudiants en master ou en thèse crée des pressions incroyablement élevées.
Wangyoann