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La Chine de Chine
6 janvier 2012

Vivre dans la pollution à Pékin.

Le numéro (15 décembre) de l’hebdomadaire Nanfang zhoumo 南方周末 titrait ainsi sa nouvelle enquête « 活在灰霾下 » (en pinyin : huo zai huimai xia) : vivre sous la brume sèche. Une enquête qui n’est pas pour nous rassurer sur la pollution en Chine. Elle nous fait plutôt froid dans le dos, alors que Pékin n’est pas la région la plus polluée du pays.

Commençons tout d’abord par quelques chiffres donnés par les journalistes (auteurs de l’enquête) : 41 malades atteints de problèmes respiratoires décèderaient chaque jour dans la capitale, et 59 autres atteints de maladies cardiovasculaires perdraient la vie en raison de la mauvaise qualité de l’air. Nous sommes ainsi à une bonne centaine de décès par jour uniquement due à la pollution, ce qui ferait sur une année plus de 35 000 morts, et ce exclusivement à Pékin !! Étant donné que nous avons une compréhension aujourd’hui un peu plus fine des statistiques à la chinoise, le véritable nombre de décès lié directement à la pollution est sans doute bien supérieur à celui-ci fourni par les autorités de la capitale.

 

Particules fines et moins fines :

Depuis quelques années, l’un des maux les plus graves de la capitale est cette brume sèche qui se forme et qui prend des proportions de plus en plus inquiétantes chaque année, en raison de l’augmentation discontinue de divers polluants, et tout particulièrement des particules en suspension : les particules dites PM10 (Particulate matter) qui ont une dimension inférieure à 10 micromètres. Des particules qui auraient tendance, selon les autorités de la ville, à diminuer depuis quelques années. Mais ce sont surtout les particules PM2,5 (particules inférieures à 2,5 micromètres) qui inquiètent les spécialistes, car elles sont particulièrement dangereuses pour la santé du fait de sa pénétration jusque dans les alvéoles pulmonaires ; les émissions de ces particules en revanche augmentent sans cesse ces dernières années.

 pollution_pekin

Source: 南方周末

Une guerrière féroce :

            En cette mi-décembre 2011, la brume enveloppe toute la capitale, se glissant dans chaque coin de rue, dans chaque véhicule et dans chaque maison. À chacune de ses attaques, de nombreux habitants sont pris par des toussotements, et dans les cas les plus graves, les malades doivent être hospitalisés.

            Depuis plusieurs années, les habitants et les autorités ont été excessivement optimistes envers ce phénomène, et ils ont négligés cet « adversaire » dénommé « brume ou nuage de pollution », un ennemi chargé de particules particulièrement nocives, puisque certaines d’entre elles ne s’arrêtent qu’au niveau du nez, d’autres vers la gorge, et d’autres encore s’immiscent jusque dans les poumons, entraînant chez les malades divers symptômes, et pour les populations les plus fragiles, une aggravation de leur état de santé. Même les professionnels qui étudient ce phénomène ne sont pas protégés, à l’instar du chercheur de l’Université de Pékin (Beida), Guo Song, qui étudie (avec son équipe) depuis 9 ans, dans la capitale chinoise, les particules présentent dans l’air. À chacun de leur déplacement dans les endroits les plus pollués de la capitale, ils ne portent aucun masque de protection.

            À l’opposé, nous avons l’exemple d’un certain Bei Zhicheng qui a pris très tôt conscience de la dangerosité de l’air qu’il respire. Sur un coup de tête, il a décidé d’acheter 7 appareils purificateurs d’air, puis il les a disposés dans son appartement, dans sa voiture et dans son bureau, il a ainsi dépensé plus de 1000 euros pour mieux respirer.

            Un second exemple de personnes qui tentent de se protéger est cette jeune mère de famille qui a un petit garçon d’un an et demi. Chaque matin, elle sort de son appartement pour promener son chien, cette sortie matinale lui sert ainsi à vérifier la qualité de l’air du jour. Après sa promenade, elle va sur des sites internet bien précis tels que celui de Zheng Yuanjie (郑渊洁) ou celui de Pan Shiyi (潘石屹) afin de recueillir des informations sur la qualité de l’air, puis en fonction des indices sur la qualité de l’air, elle décide de sortir ou non son petit garçon. D’ailleurs, ses amis venant de Shenzhen sont toujours étonnés à leur sortie d’avion, et ils lui demandent souvent : « qu’est-ce qui brûle à Pékin » ?

            Ces Chinois qui scrutent ce type d’information, et ceux qui s’équipent en matériels de purification d’air appartiennent, pour la plupart d’entre eux, aux gens qui ont une formation élevée, et qui ont bien entendu des revenus importants. Encore une discrimination entre ceux qui ont de l’argent, qui peuvent ainsi se protéger, et ceux qui n’en ont pas. Pour les plus pessimistes des chasseurs d’air pur, le choix est des plus radical : soit quitter la capitale, soit quitter le pays. Là encore, ce sont des « solutions » qui demandent de larges moyens financiers.

 

Petite prise de conscience tardive :

            Enfin dernier exemple, c’est celui d’un professeur à l’université de Princeton, Steven Q. Andrews, qui réside régulièrement à Pékin et qui en raison d’une trop forte pollution de la ville est obligée de retourner aux États-Unis se « refaire une santé » après un séjour prolongé dans la capitale chinoise. Un jour, lorsqu’il se trouvait à Los Angeles, l’une des villes des États-Unis où l’air est le plus pollué, ce jour-là justement, il y eut un immense incendie de forêt. Il a relevé l’indice de la qualité de l’air à Los Angeles, ce chiffre correspondait à l’indicateur « bonne qualité » de l’air pour la ville de Pékin !! C’est dire le fossé immense qui existe entre les normes chinoises et les normes étrangères dans l’évaluation de la qualité de l’air.

L’ambassade des États-Unis a installé en 2008 à Pékin un capteur pour mesurer la qualité de l’air. Jusqu’en octobre 2011, les résultats de ces mesures n’étaient divulgués que dans un cercle très restreint ; ce n’est que le 22 octobre 2011, grâce au promoteur immobilier Pan Shiyi, que ce chiffre a été mis à la disposition de tous, sur son blog. Un blog qui a tout de même une certaine influence en Chine, puisqu’il aurait plus de 7 millions de fans ! C’est de là que le public a commencé à s’intéresser aux PM2,5.

 

Des statistiques chinoises toujours biaisées !

           En 2006, le professeur Steven Q. Andrews a mené des recherches sur la pollution de l’air à Pékin. En 2008, il fit une découverte surprenante : les autorités de la ville avaient fermé les deux plus importantes stations de contrôle de la qualité de l’air dans le centre-ville ! À la place, ils ont décidé d’installer de nouvelles stations au-delà de la 6e couronne de la banlieue de la capitale !! Par conséquent, les autorités pouvaient se targuer d’avoir enrayé l’augmentation de la pollution, et en effet les indices de pollution diminuaient et le nombre de jours « bleu » augmentait grâce à ce stupide subterfuge. La manœuvre a été répétée à plusieurs reprises sur d’autres stations installées à l’origine près d’endroits très pollués, de nouvelles stations ont été déplacées en banlieue où l’air est de meilleure qualité.

            Le professeur Steven Q. Andrews a visité plus d’une cinquantaine de pays, il dit qu’il n’y a que l’air de la capitale de l’Éthiopie, Addis-Abeba, qui soit aussi pollué que Pékin.

            Depuis quelques années, certains Chinois ont pris conscience de ces problèmes de santé publique. D’autant que la principale difficulté n’est pas d’ordre scientifique, mais c’est une question fortement liée à la loi et surtout à l’application des règlementations en vigueur. Par conséquent, en Chine, il s’agit avant tout d’une question et d’une volonté politique. Pour le moment, le gouvernement chinois ne fait preuve d’aucune volonté pour lutter efficacement contre ces émanations mortelles, et n’oublions pas, par exemple, que les bouchons dans la capitale font régulièrement la une des journaux chinois, peut-être y aurait-il là moyen de diminuer les émissions de particules ?

 

Source : 南方周末

Wangyoann

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